Michel Bonte
(France)
L'ENSEIGNEMENT DU
«FRANCAIS LANGUE ETRANGERE»: UNE EVOLUTION CONSIDERABLE
L'enseignement du français à
des non-francophones a évolué de façon considérable au cours de l'histoire, que
ce soit par ses objectifs, les personnes à qui il s'adresse, et sa
méthodologie. Nous examinerons succinctement les principales méthodes d'enseignement
historiques afin de mettre en valeur leur évolution, pour terminer par quelques
mots sur l'enseignement du « Français Langue Etrangère » aujourd'hui
dans le monde, et en Ukraine
par la « Fédération Echanges France Ukraine ».
1- Les méthodes traditionnelles
Au XIX ème siècle,
l'enseignement des langues étrangères est culturel : on étudie une langue
étrangère par et pour sa littérature. Les connaissances acquises
« distinguent » les apprenants. Cela s'est même poursuivi au XX ème
siècle, et elle se poursuit encore aujourd'hui dans de nombreux pays. Moi-même,
on m'a initié à l'anglais comme on initie au latin ou au grec ancien, à travers
les tragédies de Shakespeare, que je pouvais à peu prés lire, alors que
j'aurais été incapable d'acheter correctement des choux au marché! La « méthode
traditionnelle », dite aussi «méthode classique» ou «méthode
grammaire-traduction», a pour but la lecture et la traduction de textes
littéraires. Il ignore presque l'oral. La langue est conçue comme un ensemble
de régles et d'exceptions étudiées dans
des textes et pouvant être rapprochées de la langue maternelle. Seule compte la
forme littéraire à travers de bons auteurs.
Au XVIII ème siècle, on
commence toutefois à utiliser le thème comme exercice de traduction,
ainsi que la mémoralisation de mots et de phrases comme technique
d'apprentissage de la langue. La grammaire est enseignée de façon déductive (on
présente la régle, puis on l'applique). Pourtant, dès le XIX ème siècle, une
certaine évolution est constatée avec
l'introduction de la version-grammaire. On découpe un texte en
langue étrangère, on le traduit mot à mot, puis on étudie la grammaire dans
l'ordre d'apparition dans le texte. On apprend la prononciation par moult
dictées. Le professeur choisit les textes
selon la valeur litéraire qu'il leur donne et choisit souverainement les
exercices. Le vocabulaire est enseigné sous forme de listes de mots présentés
hors contexte à connaître par coeur. L'apprenant n'apporte pas de création. Dés
le milieu deu XVIII ème siècle pourtant, un précurseur, Henri Besse, fait
remarquer le caractère artificiel des textes choisis par le professeur.
2- Les méthodes modernes
A la fin du XIX ème siècle
apparaît la métode dite « naturelle ». F. Gouin s'interroge
sur la nature de la langue et sur le processus d'apprentissage de la langue
maternelle pour en tirer des conclusions pédagogiques. Il en conclut que le
besoin d'apprendre des langues provient
de celui de communiquer et de franchir ainsi les barrières culturelles. Il
préconise l'enseignement non seulement
de l'écrit, mais aussi de l'oral. C'est le début de méthodes didactiques basées
sur la psychologie, la sociologie, la lingusitique...., l'apprentissage de la
langue devant se faire à partir de la langue usuelle. C'est le début de la
technique de l'immersion. Le sens prime sur la forme, la proposition sur le
mot.
A la fin du XIX ème siècle
apparaît en même temps en Allemagne et en France une méthode dite directe.
Un outil de communication apparait nécessaire pour développer les échanges économiques, politiques, culturels
et touristiques. Désormais, on enseigne des mots étrangers sans passer par leur
équivalent en langue maternelle. On privilégie l'oral et la prononciation. La grammaire est enseignée de façon
inductive. La méthodologie directe fait l'objet d'une instruction officielle en
1902, orientant vers des méthodes
actives : interrogative, imitative, répétitive, corporelles même..., exigeant
une participation active de l'apprenant.
De 1920 à 1960, la méthode
directe est assouplie par un retour partiel aux méthodes traditionnelles. C'est
la méthode dite « active ». Un équilibre est recherché entre
le formatif, le culturel et le pratique.
L'usage de la langue maternelle n'est plus totalement bannie. Avec
l'instruction de 1969 est recommandé l'utilisation d'auxiliaires audio-oraux :
grammophones, radio, magnétophones., laboratoires de langues, projecteurs de
vues,... L'enseignement du vocabulaire et de la grammaire se fait par la
répétition extensive des structures. Et la motivation de l'apprenant devient
déterminant pour un bon apprentissage.
Dans les années 1920-1930, des
linguistes britanniques proposent une méthode dite «situationnelle».
Selon cette méthode, l'apprentissage d'une langue suppose trois processus :
recevoir la connaissance, la fixer dans la mémoire par la répétition, et
l'utiliser dans la pratique jusqu'à ce qu''elle devienne une capacité
personnelle. Il faut créer des automatismes pour que l'apprenant parvienne à
communiquer en langue étrangère sans penser aux structures apprises. A partir
de 1945, la France éprouve le besoin de renforcer l'influence de sa langue face
à l'invasion de l'anglais, que ce soit dans ses colonies ou les pays avec
lesquels elle entretient le plus de relations politiques ou commerciales.
L'enseignement du « FLE » devient une affaire d'état. Le
« Ministère de l'Education Nationale » met au point le
« français fondamental », distinguant un « français fondamental
premier degré » de 1475 mots et un « français fondamental second
degré » de 1609 mots. Fondé en 1959, le CREDIF («Centre de
Recherches et d'Etudes pour la Diffusion du Français»)) met en place une
méthode audiovisuelle., suite logique de la méthode directe. Le support
audiovisuel remplace le support écrit. Les quatre compétences (compréhension et
expression écrites, et compréhension et expression orales) sont visées, avec
une priorité pour l'oral. Le dialogue est constant entre le professeur et les
apprenants, le support audiovisuel rompant le face à face un peu desséchant
entre élèves et professeur.
A partir des années 1970; la méthode audivisuelle céde la place à
une « approche communicative ». Elle résulte de la
convergence de divers courants de recherche aux Etats-Unis et en Europe, ainsi
que de l'avénément de nouveaux besoins linguistiques dans le cadre européen
(Marché commun, Conseil de l'Europe, etc.), et des besoins d'un nouveau public
d'adultes dans le monde du travail (migrants, personnel en mission à l'étranger, scientifiques, techniciens,
étudiants). Des équipes de chercheurs pluridisciplinaires sont mises en place.
On analyse soigneusement les besoins
avant d'élaborer un cours de langue, déterminant avec précision les besoins
langagiers des apprenants en fonction des actes de parole qu'ils auront à
accomplir. L'enseignement devient largement utilitaire afin de répondre aux
besoins précis et urgents d'un public
spécialisé. L'enseignant devient un conseiller autant qu'un professeur. Il a
recours à des documents « authentiques ». Et l'erreur est admise
comme inévitable et pouvant même être formatrice. Actuellement, il n'y a pas
véritablement de méthodologie dominante. Les professeurs tendent à adapter, à
partir des grandes méthodes connues, leur propre enseignement. L'accent demeure toutefois largement mis sur l'utilisation de textes de communication
réels entre Francophones, ainsi que sur l'interactivité. La didactique des
langues a ainsi constamment évolué,
parfois timidement, parfois radicalement. Elle se livre à une
autoévaluation constante mettant en cause les acquis, mettant à profit les
échecs des méthode antérieures, tout en prenant en compte les facteurs
extérieurs nouveaux : sociaux, politiques ou économiques.
3- L'enseignement actuel du
« Français Langue Etrangère » dans le monde et par la FEFU
Il est estimé que le français
est la langue la plus étudiée dans le monde aprés l'anglais. Dans les pays
francophones, elle est enseignée dans les universités, écoles et associations.
Et dans les autres pays elle est enseignée également dans les universités, mais aussi dans les lycées français à
l'étranger, les écoles notamment bilingues ou spécialisées, les « Centres
culturels français » à l'étranger, les « Alliances Françaises »
et autres associations. Il n'existe pas de test unique comme le TOEF
(« Test Of English as a Foreign Language »), mais une variété de
tests possibles utilisés pour mesurer les compétences lingusitiques. Ce sont :
le DILF (« Diplôme Initial de Langue Française »), le DELF
(« Diplôme d'Etudes en Langue Française ») et le DALF (« Diplôme
Approfondi de Langue Française). Les
« Alliances Françaises » et la « Chambre de Commerce de
Paris » proposent leurs propres diplômes.
Enfin la FEFU (Fédération Echanges
France Ukraine) a mis en place des formations au « Français Langue
Etrangére » pour étudiants et professeurs ukrainiens en Ukraine par des
formateurs français ou francophones volontaires. Depuis 1998, l'association
« Echanges Lorraine Ukraine », se spécialise dans le soutien
logistique du partenariat entre les Universités de Metz et de Tchernivtsi
(Ukraine). Et depuis 2011, l'association « Echanges Bourgogne Champagne
Ukraine » organise des formations dans des universités : en 2011 à Dniptropetrovsk,
Rivne, Krivoï Rog, Kharkov, Kiev et Lviv, en 2012 à Dnipropetrovsk, Rivne,
Krivoï Rog, Lviv, Odessa, Kherson et Mykolaïev. Pour les professeurs, elle
organise une université d'été à Krasna (Région de Tchernivtsi, dans les
Carpates).
Ses méthodes sont éclectiques,
en ce sens que le formateur est invité à s'adapter au public visé, à ses
objectifs et à ceux de la FEFU. Ces objectifs sont en effet variés :
préparation à des séjours, stages profesionnels ou études supérieures en
France, projets professionnels en Ukraine, perfectionnement de professeurs de
français ou d'autres matières, préparation d'échanges scolaires, intérêt
culturel, tourisme, correspondance, etc. Quelques principes sont toutefois
intangibles : le volontariat des
apprenants comme des formateurs, le partenariat avec les universités
d'accueil, et chaque fois que possible la technique de l'immersion.
Bibliographie
1. J.C. Beacco :
« La méhode circulante et les méthodologies constituées » (Le
français dans le monde, recherche et applications, janvier 1995).
2. V. Castellotti :
« Méthodologie : que disent les enseignants » (Le français dans le
monde, recherches et applications, janvier 1995) - D. Coste: « 1940 à nos
jours : consolidation et ajustements (Le français dans le monde (recherches et
applications, janvier 1998).
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